Category Archives: temps et durée
Moitié-forte, le currawong courageux
août 4th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #50.
2015.08.25 – Les currawongs sont de très grands oiseaux autralasiens du genre Strepera, qui ne sont pas des corvidés allongés et au long bec, mais des passereaux artamidés aux yeux d’un beau jaune vif ; ils poussent des appels très étranges, à l’origine de leur nom vernaculaire et de leur nom de genre. Ils ont une façon inimitable de se laisser tomber de branche en branche, et de se déplacer au sol sans discrétion aucune, de par leur taille et leur démarche gauche. Ce sont de grands sauvages, à l’intelligence sous-estimée à cause de leur timidité.
Un jour sur le deck de notre maison construite sur pilotis, soit sur la plate-forme de la vérandah, je remisais avant le soir les graines pour oiseaux, celles-ci n’étant pas destinées aux rats, sortant la nuit. Un currawong, de loin, observait, régulièrement, la scène. Pacifique comme tous les siens, il n’avait jamais dérangé les petits oiseaux se nourrissant. L’une de ces graines tombe entre deux lattes. Ni une, ni deux : il s’envole et se précipite droit sous la maison à la recherche de celle-ci. Il n’avait pas eu la possibilité de la voir passer à travers le plancher du deck, car la partie inférieure de la maison était cachée par un treillis de bois. Il avait inféré, avec une sagacité immédiate…
Outre leur intelligence de grands modestes, il convient de signaler que, lorsqu’il le faut, comme la plupart des oiseaux, les currawongs savent se montrer courageux. J’ai vu un couple de parents chasser, avec détermination, un très gros chien qui s’approchait trop près de leur petit. Par ailleurs, ils sont coriaces : j’en ai vu survivre à de longues sécheresses et à des tempêtes terrifiantes.
J’ai aussi eu l’occasion d’assister, pendant des semaines, au combat silencieux de l’un d’eux, contre une paralysie progressive de la moitié droite de son corps. J’étais plein d’admiration de le voir réussir à voler, en un vol bancal, mais vol quand même. Réussissant efficacement à se nourrir par lui-même. Trop farouche pour se laisser approcher, comme tous ses congénères. Ces derniers le laissaient en paix, à la différence de ceux de « Sur-une-patte », la magpie handicapée…
Je l’appelais « Moitié-forte ». Rien qu’à l’ouïe, je pouvais déterminer sa présence, car il avait une façon bien à lui de sautiller dans l’herbe et dans les feuilles au sol. Avec son bec de longueur intermédiaire, je n’arrivais pas à déterminer son sexe.
Un jour, au petit matin, je l’ai retrouvé mort ; pas de blessure sur lui, c’était peut-être la maladie, responsable de sa paralysie, qui l’avait tué. Même tout tordu dans sa dernière convulsion, il restait beau. Si élancé, si élégant dans son éclatant plumage noir et blanc.
Je réalisai alors combien il avait été vital, pour le déraciné que j’ai toujours été, qu’une longue partie de mon existence se fasse au contact étroit de la nature profonde. Ces dix-sept années passées dans le bush australien m’avaient donné une précieuse expérience. J’ai beaucoup appris de la vie, et sur elle, grâce à ce contact.
Maintenant, je tourne la page du grand livre de la vie, littéralement – et je crois avoir suffisamment connu, évolué et mûri pour écrire un peu, en particulier sur les êtres que j’ai eu la chance de pouvoir aimer et admirer.
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Comprendre, puis accepter l’ordre des choses
août 2nd, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #44.
Depuis ma petite enfance, il m’a fallu des décennies d’efforts opiniâtres pour comprendre la réalité des choses – une réalité dans laquelle l’organisme qui me constituait avait bien de la peine à trouver ses marques… Je n’ai pas beaucoup aimé ce que j’ai trouvé, que ce soit au-dehors ou au-dedans, ou entre les deux…
Aussi, mon autre effort, tout aussi tenace, a-t-il consisté à accepter, avec équanimité, l’ordre des choses.
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La chatte qui défendait ses petits
août 2nd, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #43.
Banlieue de Khartoum-Nord, Soudan. Petite enfance, fin des années 60. De ma chambre, j’entends soudain des cris déchirants. Je me précipite sur le balcon. Au loin, sur le vaste terrain vague séparant notre maison du Nil Bleu, je vois un chat aux prises avec trois chiens errants. Je ne comprends pas : pourquoi ne s’enfuit-il pas ? Pourquoi reste-il ainsi adossé à un tronc mort couché, ne quittant pas sa place ? Il donne des grands coups de griffe, à gauche ! à droite ! poussant des cris terrifiants ! mais les trois chiens persistent ! Le chat n’a aucune chance !
Affolé, j’appelle ma nounou de Haute-Égypte : « Yoya ! Yoya ! » Elle arrive en traînant un peu. « Yoya, vite, il faut aller là-bas sauver ce chat ! – Quoi ? Pas question, nous pourrions nous faire mordre, et puis ce n’est pas l’heure de la promenade ! – J’y vais tout seul alors ! – Quoi ?! Tu seras puni par ton père ! – Yoya ! Je t’en prie ! – Bien, bien. »
Quand nous arrivons sur place, les chiens ont disparu. On retrouve le chat, mort dans une dernière position de combat, la bouche grande ouverte, les griffes sorties. À côté, deux chatons massacrés. Au pied du tronc couché, un trou profond à la terre fraîchement retournée. En un éclair, je comprends tout : c’était une mère chatte, dans le terrier elle cachait ses petits. Les chiens les avaient dénichés.
La chatte avait défendu ses petits, jusqu’au bout, dans un combat désespéré.
Je pleure sans dire un mot. La nounou ne veut pas le montrer, mais elle est émue. Nous continuons notre promenade, en silence.
Je n’ai jamais oublié cette chatte. Cette mère héroïque, combattant jusqu’à son dernier souffle. Expirant dans la souffrance et le désespoir, sachant qu’elle n’aura pas sauvé ses petits.
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Une mère prudente, prévoyante, prompte et précise…
août 1st, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #40.
Une vieille dame hébergeait une chatte qui avait mis au monde trois chatons qu’elle allaitait dans une petite boîte, au salon. Si on sonnait à la porte, la dame allait ouvrir à des visiteurs venus voir les chatons et les amenait aussitôt dans la pièce en question… mais, entretemps, la mère avait déjà disparu avec ses trois petits !
Sa cachette est toujours restée introuvable – aucun des rejetons ne faisait le moindre bruit. La chatte, prévoyante, avait bien par avance reconnu les lieux ; elle s’était préparée une retraite sûre et avait déterminé le meilleur trajet pour y parvenir. Dans le court laps de temps entre le moment où l’on sonnait à la porte et celui où la dame faisait entrer ses visiteurs au salon, la mère devait procéder à trois transports, un chaton à la fois, de la boîte à sa précieuse cachette.
Jamais la dame ne l’a vue faire ! La chatte procédait à l’évacuation de ses trois petits dans la discrétion la plus totale, avec une rapidité confondante. Elle savait parfaitement ce qu’elle devait faire, savait exactement comment le faire. Précision, promptitude, économie de mouvements.
On notera aussi qu’une mère n’est jamais trop prudente : la chatte ne ramenait ses chatons dans la petite boîte au salon… qu’après s’être assurée qu’on ne l’observait pas.
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Sur-une-patte, la magpie rejetée
juillet 31st, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #39.
2015.08.07, hiver austral – Depuis quelques jours, j’observe une magpie, femelle, jeune apparemment, plutôt maigre, boitillant piteusement, restant figée sur place quand elle me voit, et bizarrement posée sur son ventre, un peu de travers. Petit à petit, à force de rencontres, elle se détend.
Depuis quinze jours, résolument, je vais, je viens, de quatre conteneurs maritimes que je vide systématiquement, à un grand feu brûlant devant. Les conteneurs sont remplis d’articles scientifiques et techniques anciens, empilés sur des bibliothèques métalliques démontables, c’est tout très intéressant et bien trié, mais je dois débarrasser pour le retour en Europe. À Kangaroo Island, je les avais transformés en compactus. Trente-six ans de documentation qui partent au feu. Je ne garde que ce que je compte relire.
La magpie demeure dans le coin, me laissant parfois approcher à moins de deux mètres. Je lui ai installé une petite soucoupe avec de l’eau, elle vient y boire. À cinquante mètres de là, deux malheureux jeunes chiens, attachés à longueur de journée, jappent lamentablement, parfois pendant des heures. Ils sont beaux, des red kelpies, se tenant droits, ils ont des oreilles pointues, ce sont de vrais canidés. Au moins sont-ils à deux, mais quelle jeunesse…
Un matin, la magpie s’introduit d’un coup d’aile décidé dans le conteneur aux portes grandes ouvertes, s’installe à un mètre vingt de moi sur une bibliothèque, et m’observe ainsi pendant un quart d’heure. Je lui parle, je continue de trier, elle me suit de ses yeux rouges, presque brûlants par l’intensité du regard. Je peux l’observer à mon tour plus attentivement : sa patte droite est complètement tordue, inutilisable. Je ne vois pas de fil de pêche dont je devrais éventuellement la libérer, comme je l’avais déjà fait pour deux de ses congénères, rien à faire pour moi de ce côté. Soudain, elle s’en va. J’ai compris.
L’après-midi je reviens avec des croquettes pour chats. Les deux chiens jappent toujours, elle-même repose tranquillement couchée sur le ventre, toujours dans le fossé devant le conteneur. À deux mètres d’elle, je lui lance une croquette, que malgré sa condition d’éclopée elle arrive à saisir du bec dans sa trajectoire ! Elle me regarde : oui, voilà, tu as compris.
Les deux chiens sont soudain silencieux, dressés sur leurs pattes, ils nous regardent attentivement. J’envoie à la magpie cinq croquettes de plus, en visant bien car elle est quand même très handicapée, puis j’arrête afin de lui éviter une indigestion. Les deux chiens observent toujours, très silencieux, leurs belles oreilles dressées, et je les vois penser : là, il se passe quelque chose d’important, soyons bien attentifs…
Je retourne à mon labeur de triage, la magpie s’en va. Les deux chiens resteront silencieux pour le reste de l’après-midi ; ils méditent, leur pauvre jeunesse de prisonniers leur a enfin fourni un sujet digne de leur remarquable intelligence. Quatre individus sensibles et conscients se sont observés, et réfléchissent.
2015.08.09 – « Sur-une-patte » est toujours là. J’appelle ainsi la petite magpie à la patte difforme. Elle me reconnaît de loin, vole vers moi à tire-d’aile. Cette fois, elle se saisit des croquettes d’entre mes doigts, je lui en donne ainsi une dizaine. Le contact est bon, elle aime bien s’installer tout près et me regarder m’activer.
Par contre, je constate avec inquiétude des blessures écarlates sur sa tête, probablement dues aux coups de bec des magpies de son groupe qui l’ont rejetée. Je les vois alentour, l’œil sur nous… et elles ne semblent pas regarder Sur-une-patte avec aménité. Ces passereaux artamidés, très intelligents, qui vivent en groupe serré, sont connus pour leur façon de rejeter, soudainement et impitoyablement, un congénère hors du clan.
2015.08.11 – Depuis le matin, c’est la tempête sur l’île, avec des rafales de pluie. Je suis inquiet pour Sur-une-patte, je ne l’ai pas vue hier… et avec son unique patte, il doit lui être très difficile de s’arc-bouter contre le vent violent. Il est exclu pour elle, dans de telles conditions météorologiques, de sautiller d’un coin à l’autre à la recherche de nourriture, elle se ferait emporter. Elle doit avoir faim en plus de froid. Je pars à sa recherche sous le vent et la pluie.
Je la trouve près de notre propre maison cette fois, je l’ai reconnue de loin à sa démarche particulière ; elle aussi m’a reconnu, car elle s’élève du sol et vole sans hésiter droit sur moi. Cette fois, elle s’installe sur la barrière du jardin. Elle est transie, l’air misérable, ses blessures à la tête sont à vif. Elle se saisit des croquettes que je lui tends, cette fois elle a droit à une douzaine de celles-ci. Je lui parle un peu, elle fait un petit besoin. Tout va bien.
Mais à peine je m’éloigne d’elle, de deux mètres seulement, qu’elle pousse un grand cri ! Woush ! deux autres magpies, venues de nulle part, me frôlent presque et se lancent sur elle ! Elle s’enfuit en zigzaguant, mais par leur chasse habile ses deux adversaires, en parfaite santé eux, s’y prennent avec adresse pour la forcer au sol. Elle se couche sur le dos, poussant de grands cris, et les deux la piquent et la repiquent férocement.
Il m’a fallu quelques secondes pour réaliser la scène ! Je me précipite alors en courant, faisant de grands moulinets des bras, « allez-vous en ! » qu’il leur crie, le bipède lourdaud ! Elles ne s’en vont que lorsque je me trouve à cinq mètres d’elles ! Sur-une-patte profite de la diversion pour s’évanouir dans la canopée touffue d’un eucalyptus mallee.
Bon… Je sens que la survie de la petite handicapée ne sera pas simple… Ses pires adversaires ne seront ni les prédateurs, ni les éléments déchaînés, ni les difficultés inhérentes à sa condition, mais les membres de la communauté qui l’a rejetée.
Il pleut, il vente. Il ne me reste qu’à méditer, devant, au loin, la mer grise et indifférente.
2015.08.12 – Ce matin, la tempête a soufflé encore plus violemment sur l’île. Dans l’après-midi, alors que je me douche, j’entends les cris de détresse typiques d’une magpie recevant une raclée de congénères. Serait-ce Sur-une-patte ? Le temps de me sécher en vitesse, de m’habiller, je sors – mais rien, personne, nulle magpie. Pour moi, c’est comme un grand silence tout autour, malgré les rafales du vent qui continue de souffler rageusement. Sur-une-patte…
2015.08.16 – Cela fait cinq jours que je n’ai plus revu mon amie. Si c’était bien elle que j’avais entendue, il y a quatre jours, elle aurait survécu aux journées de tempête… et peut-être s’est-elle décidée à ne plus sortir des bois, car les membres de son clan, qui l’ont rejetée, sont trop dangereux pour elle. Peut-être… Bonne chance, petite boiteuse, j’espère recroiser ta route. Tu m’as rappelé ce que c’est que de lutter, chaque jour, simplement pour survivre.
Début mai 2016 – Nous quittons définitivement notre grand terrain de Kangaroo Island. Cela fait neuf mois que je n’ai plus revu Sur-une-patte. Mais je ne l’ai pas oubliée. Je lui dédie ce petit journal, rédigé au gré de nos rencontres.
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Le porteur d’eau et ses petits amis
juillet 30th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #36.
Janvier 2009, été austral.
Suite à une longue sécheresse, l’étang sur notre propriété de Kangaroo Island, quoique profond de plusieurs mètres, s’était retrouvé à sec. Je doublai alors le nombre de récipients emplis d’eau un peu partout autour de la maison, en des endroits où ils seraient à l’ombre pour toute la journée. Afin que les insectes et les petits oiseaux puissent boire sans danger de noyade, je disposai verticalement, dans chaque seau, deux branches lourdes, dont la partie supérieure se retrouvait en appui contre le rebord intérieur, et posai à la surface de l’eau des petits bouts de bois flottant, de tailles diverses : le petit être qui tomberait dans un récipient pourrait agripper un de ces mini radeaux, puis remonter le long d’une de ces branches coupées, jusqu’au rebord du seau. Je disposai par ailleurs trois lourdes pierres autour de chaque récipient, afin qu’ils ne soient pas renversés par de plus grands animaux, maladroits, kangourous, wallabies, possums ou échidnés.
Puis je réfléchis : bien des animaux, nombreux, ne viendraient pas jusqu’ici… leur point d’eau habituel c’était là-bas, à l’étang. J’éprouvais de la peine pour tous les êtres qui ne pourraient plus s’y désaltérer. Voyons… Que faire… Je pourrais déposer, au fond de cet étang à sec, des seaux d’eau, que je remplirais à l’aide du grand réservoir d’eau et de la pompe à incendie que j’avais fixés sur une remorque. Non, cela n’irait pas… Je ne pourrai pas utiliser la pompe pour remplir ces récipients, même son plus faible débit reste puissant et trop d’eau serait ainsi gaspillée alentour ; quant à l’écoulement à partir du petit robinet de vidange, cela prendrait un temps fou pour remplir chaque seau… Par ailleurs, le réservoir était maintenant plein de 800 litres, la remorque s’avérait presqu’indéplaçable sous un tel poids ! Enfin, je l’avais positionnée, près de la maison, exactement là où il fallait pour une lutte contre un incendie, et en ces jours de sécheresse extrême un feu de brousse pouvait nous tomber dessus en quelques minutes… Il était exclu que nous nous retrouvions, pour une heure ou plus, sans cette précaution d’appoint.
Bon… Portant à bout de bras deux seaux d’eau, je fis alors, à pied, le trajet de cent cinquante mètres depuis la maison ; enfin arrivé à l’étang à sec, je les déposai dans la vase, en son fond. Je pris les mêmes dispositions que pour les récipients près de la maison : branches contre la noyade, pierres contre le renversement. Rude tâche, car il faisait chaud.
À mon deuxième trajet, apportant les troisième et quatrième seaux pleins d’eau, je remarquai, déjà, des petits oiseaux perchés sur le rebord des deux premiers récipients. Je déposai ainsi, en tout, huit seaux remplis d’eau, au fond de l’étang à sec. Je m’installai ensuite sur une grande pierre, sous l’ombre d’un eucalyptus géant, pour admirer le ballet des petits êtres de toutes sortes venant se désaltérer. Les petits oiseaux, bien sûr, puis un papillon, une abeille, d’autres insectes… Rapidement, ce fut tout un manège ailé. J’étais heureux.
En fin de journée, je revins avec deux seaux remplis d’eau afin de compléter le niveau de ceux que j’avais installés au fond de l’étang à sec. L’activité de la petite faune auprès de cette oasis artificielle restait importante.
À l’aube du jour suivant, les huit récipients étaient entièrement vides, car les wallabies et les kangourous étaient venus à leur tour, la nuit, et leurs besoins en eau étaient importants. Je pouvais voir leurs empreintes tout autour, dans la vase de l’étang encore un peu humide. Je vis même des traces d’échidné, cela n’avait pas dû être simple pour lui, mais les pierres disposées contre les seaux l’avaient sans doute aidé, il avait pu monter dessus pour accéder à l’eau.
Je repris ma tâche. D’abord rapporter les huit récipients vides à la maison. Au premier voyage effectué avec deux seaux pleins, des oiseaux m’accompagnèrent ; j’étais impressionné, ils avaient vite compris. Tout le long du trajet, j’entendais des petits “ pip ! ”, je discernais des vols rapides, frrout ! Je déposai les deux seaux au fond de l’étang à sec, redisposai six pierres autour d’eux, enfin les branches dedans afin que personne ne se noyât. Puis je repris le chemin de la maison. Je n’avais pas fait quatre mètres que les deux récipients d’eau étaient investis, dans une folle agitation, “ pip ! ”, “ pip ! ”, frrout !
Deuxième trajet, avec les troisième et quatrième seaux remplis d’eau. À peine l’avais-je entrepris, que je me retrouvai environné de papillons blancs ou jaunes, qui voletaient autour de moi. Ils m’accompagnèrent tout le long ! Eux aussi, ils avaient vite compris ! J’étais éberlué, émerveillé. Cette scène est l’un des plus beaux souvenirs inscrits dans ma mémoire.
Je fis encore les troisième et quatrième trajets, jusqu’à ce que huit seaux emplis d’eau se retrouvassent à nouveau au fond de l’étang à sec.
Tout le long, je fredonnais l’air de « Ce petit chemin »[1] :
C’est le rendez-vous
De tous les insectes
Les oiseaux pour nous
Y donnent leurs fêtes !
C’était fatigant, vers la fin le soleil tapait dur déjà, mais j’étais heureux dans mon rôle d’ami à la peine pour les êtres, petits et grands, que je chérissais.
Je persistai ainsi, pendant des semaines, dans ma tâche de porteur d’eau, jusqu’aux premières pluies : des petites flaques d’eau, ici et là, permirent enfin à tous les animaux de se désaltérer.
[1] Chanson de 1933, paroles de Jean Nohain, musique de Mireille.
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Le macaque bon Samaritain
juillet 30th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #35.
2014.12.21 – En Inde, un macaque a donné, avec persévérance, pendant vingt minutes, des soins de réanimation à l’un de ses congénères, tombé d’un pylône où il s’était électrocuté. Il caresse la victime sans connaissance, la secoue, lui souffle dessus, la mordille, il va jusqu’à la plonger dans l’eau. Ce bain frais réanime enfin l’objet de ses soins.
Lorsque ce dernier reprend ses esprits, le secouriste lui prodigue un dernier petit massage, et puis tranquillement il s’en va…
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Le chat, incompris et calomnié
juillet 29th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #34.
Au cours de nombreux millénaires d’élevage, peut-être une trentaine de ceux-ci, on a transformé les gènes du psychisme de certains canidés pour en faire des chiens ; des animaux presqu’aussi intelligents que les loups, mais entièrement axés sur l’obéissance à tout ce qui présente forme humaine, et à la satisfaction des moindres caprices de leurs maîtres.
La domestication de certains chats est plus récente, moins d’une dizaine de millénaires. Bien qu’adoucis, en quelque sorte, par leur semi-domestication, ils ont conservé leur quant-à-soi ; sans doute parce que la soumission à l’autorité n’est pas inscrite dans les gènes des petits félidés, à la différence des plus grands canidés, qui s’avèrent des animaux éminemment sociaux.
Le chat, foncièrement indépendant, est farouche, mais également gracieux, au mental comme au physique. Pour comprendre le petit félin, il faut, soi-même, se montrer capable de grand calme, et s’avérer hautement respectueux de la vie, de ses formes… Être en mesure d’apprécier, sous toutes ses facettes, un chef-d’œuvre de l’évolution. Une beauté naturelle, qui se révèle particulièrement sensible et nerveuse, mais à qui l’évolution naturelle, sur des millions d’années, a su enseigner des vertus admirables de maîtrise de soi.
Un animal puissamment sauvage donc, pourtant capable d’offrir le plus charmant des compagnons domestiques. Étonnante combinaison… à la source d’une incompréhension majeure de la part de beaucoup d’humains.
En effet, il apparaît que, de par ses qualités mêmes, le chat soit un des animaux les plus calomniés. J’ai moi-même rencontré un nombre invraisemblable de personnes déclarant, sur un ton sans appel, qu’on ne peut avoir aucun contact valorisant avec un chat… alors que le chien, par contre !… Les chats sont trop individualistes, voyez-vous, et puis… ils sont faux ! Des hypocrites, voilà !
Ce que l’on ne peut comprendre facilement, ou interpréter facilement, s’avérant, par définition, suspect, donc mauvais…
Le grand-père de l’éthologie, Konrad Lorenz [1903-1989], avait fermement réagi contre l’accusation de fausseté, éminemment ridicule, néanmoins souvent portée sur ces animaux : « Je ne vois rien, dans le comportement spécifique des chats, qui offre la moindre prise à cette notion de fausseté. Il y a peu d’animaux sur le visage desquels un observateur averti puisse lire si clairement l’humeur du moment et prévoir quelle conduite – amicale ou hostile – va suivre. » (in So kam der Mensch auf den Hund, 1950 ; tr. fr. 1970 : Tous les chiens, tous les chats).
Pour ma part, des décennies d’interaction avec des chats, de tempéraments très différents les uns des autres, me permettent de corroborer, entièrement, l’appréciation avisée du grand éthologue.
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Douâ, le génie sur la branche
juillet 28th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #31.
Soudain, un individu à part, sorti d’on ne sait où, se met à pratiquer, tout seul, son génie autodidacte.
Sur la vérandah de notre maison de Kangaroo Island, par un temps idéal, nous lisons avec bonheur, la mer sous les yeux. Tout à coup nous entendons des trilles gracieuses, des sifflements mélodieux, des roucoulements charmants, déclinés sans la moindre hésitation. Étonnés, nous découvrons, perché sur la plus haute branche d’un eucalyptus proche, un magpie mâle, plutôt jeune, encore plus doué pour la musique que ses congénères, tous flûtistes et chanteurs, des grands passereaux artamidés au superbe plumage blanc et noir.
Il resta longtemps à chanter ainsi, pour nul autres auditeurs que moi-même et mon épouse, aucune autre magpie n’étant là pour l’entendre. Par la suite, pendant des mois, nous le retrouvions de temps en temps, toujours dans le même coin. Pour pratiquer ses exercices vocaux, il s’installait à chaque fois sur la même branche haute, nous ne l’avons jamais entendu chanter ailleurs ; et jamais il ne chantait ainsi en présence d’une autre magpie. L’hiver passe, nous ne le revoyons plus. Ô génie solitaire et pudique… Personne ne pourra, ne saura, ne voudra apprendre de toi.
Quelques mois plus tard, il est de retour, le génie musical ! Durant son absence, il a dû observer et écouter attentivement, car voilà-t-il pas que, soudain, j’entends le miaulement bref, discret et cristallin, de Chatoune… mais venant du ciel !
Je suis stupéfait : c’est bien lui ! De retour sur sa branche favorite ! Un petit dialogue s’instaure entre nous ; il a considérablement enrichi son répertoire, non seulement sait-il imiter notre chatte, mais il peut, en plus, jouer les trilles d’un merle, maintenant !
Il s’arrête, je laisse passer un temps bref afin de m’assurer que c’est bien à mon tour, que ce n’est pas une simple pause de sa part… Je me mets alors à siffler et chantonner, quelque chose de concis et de clair mélodiquement. Il écoute attentivement, la tête un peu penchée de côté… puis reprend à sa manière !
Je ressens autant de bonheur que lorsque je jouais, en duo de clarinettes, avec Iovita, mon cher professeur roumain de musique. En hommage à ces deux musiciens sensibles, j’appelle ce magpie doué : Douâ. Deux, en roumain.
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Le film de l’expression
juillet 27th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #28.
L’essentiel de l’expression commence par la posture du corps, se poursuit par l’intonation, enfin se confirme par les premiers mots et leur articulation. Le tout en quelques fractions de secondes.
Ils sont rares, ceux qui s’avèrent capables de percevoir in vivo cet enchaînement. Et ils sont nombreux ceux qui ne perçoivent rien… même au ralenti !
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Ailes et plumes des origines
juillet 25th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #20.
La vie et l’évolution de ses formes constitue une des disciplines d’étude parmi les plus étonnantes. Son objet d’investigation se montre souvent déroutant.
Pour comprendre la vie et toutes ses formes anciennes révélées par la paléontologie, on doit imaginer qu’un organe peut avoir eu une fonction différente par le passé. Il faut ensuite concevoir mentalement, mais d’une façon très concrète, les mécanismes d’ontologie évolutive (on nomme ontologie la partie de la philosophie traitant de l’être, en grec ôn, ontos) : qu’était-ce exactement que ceci, quel pouvait être son lien avec cela, comment la transition s’est-elle faite, exactement…
Ce faisant, on doit conserver à l’esprit la prévalence d’un processus biologique fondamental : dans la nature, un tissu, un organe, un caractère quelconque, qui se sont avérés utiles à une certaine fonction, souvent se retrouvent, progressivement, utilisés, en plus, à une deuxième fonction, annexe d’abord, puis principale, voire exclusive. Dans ce cas, les mécanismes évolutifs modifient, éventuellement, l’organe ou les tissus sous-jacents, par bricolages successifs [1]… les essais ratés ne faisant pas long sous le feu de la sélection naturelle. L’organe crée la fonction, mais la fonction crée l’organe, aussi – c’est un mécanisme rétroactif.
S’il ne reste plus beaucoup de traces ou de reliquats de la fonction primitive, on conçoit qu’il se crée un mystère, au bout du compte… On peut avoir l’impression que des capacités toutes formées sont apparues d’un coup – ce qui, généralement, est loin d’être le cas…
Ainsi, pour un insecte, ses ailes, initialement, lui permettaient (et lui permettent toujours) de trotter sur l’eau, grâce à leur portance. Ensuite seulement lui ont-elles permis de voler, par surcroît.
Quant aux plumes des oiseaux, dans leur aspect présent, elles ne sont pas apparues soudain, ex nihilo : avant de faciliter le vol, elles étaient beaucoup plus simples et contribuaient, d’abord, à conserver la chaleur du corps. Elles étaient duvet, plutôt que plumes proprement dites. Par ailleurs, elles permettaient d’améliorer, esthétiquement, la parade nuptiale, ou pouvaient être gonflées afin de paraître plus gros au regard d’un concurrent, ou d’un ennemi. Plus tard, des pattes avant emplumées se sont avérées pratiques pour chasser des papillons, comme au filet… mais également, suite à une chute intempestive, pour planer sans dégâts jusqu’au sol.
On le comprend, les plumes adaptées au vol actif, dont les fantastiques rémiges (les plus grandes plumes des ailes), ne se sont développées que tardivement dans l’évolution des oiseaux. Pour tout ce processus, inscrit dans la très longue durée, il faut avoir à l’esprit plus d’un million… de siècles.
[1] Cf. infra le texte no 95, « Systèmes nerveux dans un organisme, développements parallèles ». Cf. aussi « Le réveil de formes trop anciennes » ainsi que « Le bonheur et la sérénité, ou bien l’excitation et le plaisir ? », textes nos 104 et 105 de Pensées pour une saison – Printemps.
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Des petits échanges de rien du tout
juillet 25th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #19.
2017.07.19 – Je me tiens debout, à mon bureau-bibliothèque en forme de ‹ U ›. Dessous, des livres et des dossiers, derrière, des livres. Chatoune a choisi sur ce bureau, comme lieu régulier de repos et de sommeil, un coin qu’elle apprécie particulièrement parce qu’elle peut, ad libitum, soit se cacher entre deux mini-bibliothèques posées dessus, soit, en s’adossant contre, avoir une vue panoramique sur la pièce.
Je consulte, je compulse, je me retourne, je me baisse, je me relève. Cette activité convient à Chatoune. Parfois, elle fait un petit « brou » tout léger, cela signifie : « câlin léger stp » ; je la caresse alors tout doucement, particulièrement sous le menton, en murmurant « mignonnette »… Elle me donne quelques coups de langue, puis je m’éloigne, je sais que c’est cela qu’elle voulait, une interaction paisible et courte.
Parfois, c’est juste un échange de regards, profond et laconique. Mais d’autres fois, alors que je suis concentré sur mes activités de lecture, je sens un souffle léger contre mon oreille : c’est elle qui s’est levée et approchée. Elle me donne quelques coups de langue derrière l’oreille, je la gratte gentiment sous le cou, je chuchote : « coquinette », elle ronronne un peu, puis retourne à sa position d’origine, d’où elle m’observe gravement.
Le bonheur, c’est l’inattendu quant à la forme exacte que prend notre échange du moment. C’est aussi de savoir que ces échanges nous constituent tous les deux et qu’ils se répéteront souvent, vécus à chaque fois sérieusement et légèrement. « Brou ».
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Domenico Scarlatti et Joseph Haydn, compagnons de chaque heure
juillet 24th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #18.
On peut écouter, des heures chaque jour, des mois durant, sans se lasser, juste quelques unes des sonates de Scarlatti [1685-1757] ou de Haydn [1732-1809]. Savourant l’intelligence et la sensibilité de tel ou tel jeu, la sonorité exceptionnelle de tel clavecin ou tel clavicorde, de tel piano-forte ou tel forte-piano, ou encore de tel piano.
Leur démarche de compositeur a quelque chose de très rigoureux et d’ensoleillé, ce n’est ni triste, ni joyeux, simplement stimulant et illuminant.
Scarlatti et Haydn, dans, respectivement, leurs 550 (oui !) et 62 sonates pour clavier, ont su créer deux vastes espaces esthétiques dénués de tout sentimentalisme, sans aucune affectation. Deux océans sans fin sous un ciel ouvert, où l’on peut naviguer longuement, heureux de voir et sentir des choses toutes simples, épurées. Comme les vagues sur l’océan, toujours renouvelées, jamais pareilles, et les nuages dans le ciel, que l’on admire un par un, ou bien que l’on regarde simplement passer, l’esprit ailleurs mais légèrement présent…
Oui… on peut, aussi bien, écouter attentivement le grand Domenico et le grand Joseph, que les insérer dans le paysage sonore : ces auteurs profonds mais modestes sont des compagnons idéals pour le travailleur à son bureau.
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L’action du vent
juillet 19th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #05.
Remarkable Rocks, Kangaroo Island. Un paysage minéral. De grands rochers sculptés par les intempéries. Ils sont colossaux, ils semblent immuables… En fait, certains sont lentement mus par le vent : un panneau indique la position d’un de ces rocs il y a un siècle à peine, il a été déplacé de plusieurs décimètres !
Dans ce décor où les sons se limitent au vent et au ressac, on peut méditer. Je pense à certains animaux que j’ai pu observer, à certaines personnes que j’ai pu croiser. Il y a des individus efficaces dont l’action est comme celle du vent : on ne la perçoit que rarement, le plus souvent on n’en voit que les effets sur la durée. Brise légère, mais persévérante, façonnant des montagnes, ou déplaçant des masses inertes, sur le très long terme…
Le vent souffle où il veut… tu l’entends, mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va.
Tiens, des gros nuages noirs, au sud… Parfois, la brise se mue en ouragan, renversant tout.
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La fourmi qui devint deux
juillet 18th, 2023In Pensées pour une saison – Hiver, #02.
Depuis un long moment (que je ne peux déterminer plus précisément, ne portant pas de montre), j’observe une petite fourmi transportant, à bout de bras, une graine trois fois plus grosse qu’elle. Chaque caillou s’avère une colline à franchir, chaque brin d’herbe couché un arbre tombé, à surmonter. Vainquant toutefois obstacle sur obstacle, avec une détermination farouche, elle avance avec son trésor, porté haut de ses deux pattes avant. Cela zigzague beaucoup mais, en gros, elle a bien parcouru de la sorte quatre bons mètres mesurés en ligne droite !
Puis d’un coup elle pose son fardeau, elle commence plutôt à tirer, à pousser. Elle fatigue… De cette manière, c’est beaucoup plus difficile pour elle… la moindre feuille mouillée s’avère un terrain pénible, sa ligne de parcours se fait de plus en plus chaotique. Soudain, elle laisse tomber et s’en va ! Droit devant elle.
Je me sens bien là où je suis, assis sur ma pierre… Je reste ainsi, à méditer sur cet admirable effort. Tant de peine… tout cela en vain.
Après un bon moment passé ainsi, agréablement, mon œil perçoit une scène… qui me foudroie sur place. Venant de la direction qu’avait prise la fourmi ayant dû renoncer, je vois arriver deux fourmis, ne semblant nullement hésiter sur leur piste. Elles parviennent à la grosse graine, et hop ! elles remettent ça, à deux. Je les vois repartir ainsi, vers la direction initiale, poursuivant sans relâche leur tâche, poussant, tirant. De cette façon, elles transportent sur quelques mètres de plus leur précieux butin, puis leur chemin les fait passer sous de grands épineux, et je dois renoncer à les suivre plus avant.
Deux fourmis… Et si l’une des deux était celle qui avait semblé renoncer, pour, en fait, aller chercher une collègue ?
Émerveillé par cette perspective, je reprends ainsi le fil de ma méditation… et soudain je réalise : quand la fourmi avait abandonné sa besogne démesurée, n’avais-je pas été pris d’un hochement de tête malheureux – n’avais-je pas pensé : courageuse et travailleuse, mais bien peu raisonnable, en définitive, la petite bête… Elle s’était astreinte à une tâche impossible. Comme souvent moi-même, quoi.
J’aurais pu continuer sur cette première pensée, grave mais quelque peu triviale. Par hasard toutefois (aussi par sentiment de bien-être, sous le petit soleil agréable !), j’étais resté assez longuement sur place… alors que rien ne se passait, apparemment. Et là, par chance, j’avais eu l’occasion de voir plus loin, plus profond, par delà les limites usuelles de mon propre temps et de mon propre espace. Et celles de mon espèce.
En tant qu’observateur de hasard, je m’interroge. Combien de fois des animaux, en tant qu’individus, voire des humains appartenant à des sociétés primitives, n’ont-ils pas été ainsi sous-estimés, à cause d’un décalage entre leur temps d’accomplissement d’une besogne, et celui imparti à l’observation qu’on en menait ? Pourtant, si l’observateur ne gère pas son propre espace-temps à l’instar de celui des êtres qui s’activent sous son regard, comment pourrait-il saisir, pleinement, le déroulement d’une action de ces individus ou de ces organismes ?
Je frémis : qu’en est-il des plantes et des champignons ? Comment notre aptitude normale d’attention et d’appréciation des choses pourrait-elle permettre de percevoir, de concevoir les capacités de réalisation de leurs organismes individuels ? De leurs processus actifs dans le long terme… Sous mes pieds, le mycélium d’un agaromycète Armillaria luteobubalina, âgé de plusieurs siècles, s’étend sur des kilomètres carrés…
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